Si fière de toi
C’était samedi matin, le début d’un week end ordinaire qui s’annonçait ensoleillé. La semaine avait été fatigante et je venais d’emmener numéro 1 au tennis. Une fois rentrée, comme d’habitude, j’ai commencé à ranger la cuisine. Le lave-linge sonnait, annonçant qu’il avait terminé son cycle. Vous étiez en train de vous chamailler…l’un voulait écouter de la musique, l’autre voulait sortir les instruments. C’était forcément incompatible alors j’essayais de trouver un compromis… oui pour les instruments mais dans la chambre de ta soeur?
J’étais en train de m’essuyer les mains après la vaisselle quand tu t’es mis à m’appeler. Il me restait a1 lancer le robot aspirateur, mettre les chaises sur la table alors je t’ai dit d’arrêter de chouiner et de monter m’expliquer ce qui s’était passé. Dans les escaliers, tu m’as annoncé qu’il y avait du sang sur ton doigt, mais tu ne semblais pas plus affolé que ça. Alors j’ai fait couler l’eau froide pour te soulager et là, j’ai vu ton doigt amputé, et j’ai su que c’était grave.
J’ai essayé de garder mon calme, et pendant que l’eau coulait sur ta blessure, j’ai rassemblé ce qu’il fallait pour te faire un pansement. Deux compresses, un bandage de deux doigts. Numéro 2 avait apporté le bout manquant que j’avais placé dans une petite poche en plastique dans de la glace.
Tu ne pleurais pas ; tu ne criais pas. Tu étais tout calme et tu semblait totalement en confiance. Je t’ai installé devant la télévision. J’ai appelé ton papa. En l’attendant, j’ai préparé des papiers, ton doudou. J’ai hurlé sur ton frère. Lui disait que c’est toi qui avait mis ton doigt dans la porte, toi que c’était lui qui avait fermé la porte…Après tout peu importe, c’était un accident.
J’ai tout mis dans la voiture et fait les cent pas dans le jardin avec toi dans les bras, le temps qu’il arrive et que je lui passe le relais. Dans la voiture, tu m’as demandé calmement ce qui allait se passer. Je t’ai dit que les docteurs allaient te soigner, que je resterai avec toi, qu’il fallait leur faire confiance.
Je t’ai porté jusqu’aux urgences car tu avais une petite mine, mais nous ne devions pas l’air d’être affolés car l’infirmière qui faisait le tour de la salle d’attente pour déterminer les priorités ne nous a pas remarqués. Alors je me suis approchée d’elle et quand elle a entendu « doigt » « coupé », elle s’est mise à courir et nous a fait passer devant tout le monde.
Nous avons été reçu par un interne puis par un médecin qui nous ont demandé ce qui s’était passé. Tu as tout raconté ; on t’a enlevé le pansement, on a fait tremper ton doigt. Tu regardais tout ce qui se passait, tu posais des questions. Tu as même réclamé de voir le bout de ton doigt qui malheureusement ne pourrait pas être « recollé ».
Je me suis un peu « excusée » de les déranger ; il m’ont rassurée en me disant que j’avais bien fait de venir!
J’ai honte, je n’avais pas pensé à te soulager…à part avec l’eau froide. On m’a dit que j’aurais du penser à te donner du Doliprane, mais franchement je pensais qu’ils auraient quelque chose de plus fort.
On nous a parlé de pansement tous les deux jours pour que ça cicatrise, de pulpe, de nerfs qui repousseraient…et puis un visage familier est apparu dans l’encadrement de la porte. Le papa d’une copine de numéro 2, un parent d’élève de l’école. Il nous a expliqué qu’il demandait une radio.
Nous sommes partis sereins ; Matthieu l’infirmier t’avait bandé le doigt ; il t’avait fait rire et proposé de « voyager » jusqu’à la radio dans un fauteuil roulant. Tu avais grimpé dans le bolide et nous faisions un peu les fous dans les couloirs, suivant la ligne verte.
Une dame adorable t’a tout expliqué ; elle a installé ton lionceau pour qu’il te surveille ; tu avais un petit escalier en mousse pour placer tes doigts. Tu n’as pas bronché ; tu as obéi. Cachée derrière une porte, je te regardais de loin, admirative devant ton calme et ta docilité.
Nous sommes repartis en riant, la dame voulait garder ton doudou et nous l’avons remerciée pour son accueil.
Nous sommes retournés aux urgences ; les médecins avaient étudié la radio et ils avaient la mine plus grave…l’os était à nu, on ne pouvait pas le laisser ainsi. Leur décision était sans appel ; il fallait opérer. J’ai senti mes jambes trembler…t’opérer toi mon petit bonhomme, te laisser sous anesthésie générale…Mais je devais tenir le coup, surtout devant toi, si courageux.
On nous a fait monter dans une chambre dans laquelle nous nous sommes installés. Le chirurgien est passé nous voir.Tu n’avais pas le droit de boire ni de manger. Tu étais allongé sur moi, perfusé…la machine sonnait sans cesse, l’infirmière faisait des va et viens…Ton papa est arrivé. J’ai craqué.
Tu m’as demandé comment ça allait se passer, ce qu’ils allaient faire à ton doigt. Nous avons essayé de te répondre, de te rassurer, mais tu ne semblais pas perturbé. Ta voix a un peu tremblé quand tu as compris que nous allions dormir là, que tu ne pourrais plus aller à la patinoire, ni bricoler à l’école. Mais tu as rapidement repris le dessus.
Papa t’avait apporté deux dinosaures qui semblaient te donner de la force. Tu m’as demandé pourquoi je me mouchais, mais je suis sûre que tu le savais. Tu avais bien compris que j’étais terrorisée à l’idée de te laisser, et si tu avais su combien j’avais peur de ne pas te revoir (oui, je sais c’est idiot après coup…). Mais je t’ai répondu que j’étais fatiguée…et tu as fait semblant de me croire.
Tu avais faim, soif et tu avais hâte de partir. Pourtant, on a attendu longtemps. On est venu te chercher, on t’a accompagné le long des couloirs et dans l’ascenseur. On est arrivé dans une grande pièce, toi, impatient d’avoir un doigt « réparé », nous tes parents angoissés, tes dinosaures et ton lion que tu as pu emporter avec toi.
Des personnes ont défilé ; elles se sont présentées. elle t’ont expliqué, elles t’ont posé des questions auxquelles tu as répondu. L’infirmière du bloc, l’anesthésiste, l’infirmière qui serait présente à ton réveil…des voix douces, des visages souriants. Quand tu as quitté la pièce, j’ai retenu mes larmes, tu nous as fait coucou, j’ai éclaté en sanglots. Et en même temps, je savais que tu étais entre de bonnes mains.
On nous avait dit que nous n’aurions pas de nouvelles pendant deux heures…impossible pour moi de t’attendre la bas, il fallait que je pense à autre chose. J’ai laissé mon numéro en cas de souci et nous sommes partis. Nous avons fait deux magasins de jouets pour trouver de nouveaux spécimens…puis nous sommes rentrés à la maison. A peine arrivés, mon portable a sonné ; le chirurgien m’indiquait qu’il avait terminé son intervention, que tout allait bien et qu’il avait du mettre une broche (nouveau coup de massue pour moi qui pensait que tu devrais être ré-opéré dans quelques temps).
J’ai pris ma douche, préparé les choses que tu m’avais dit de te rapporter et tout ce qu’il fallait pour dormir à l’hôpital, et on est repartis. Tu étais encore en salle de réveil alors nous avons été prendre un café, acheter un sandwich…et un peu tourné en rond. Puis on est venu nous chercher. On t’a attendu dans ta chambre mais quand on a entendu l’ascenseur arriver, on s’est précipité dans le couloir. Quel soulagement de te revoir, dans ton grand lit. Tu avais l’air un peu sonné mais tu avais toujours le sourire.
Tu nous as tout raconté : le masque rose pour t’endormir, la musique que le chirurgien t’a fait choisir (par défaut, il n’avait pas trois cafés gourmands!), ton réveil. Tu nous as posé beaucoup de questions ; tu te demandais ce qu’il y avait dans l’énorme pansement. Je t’ai expliqué ce que m’avait raconté le chirurgien ; un lambeau prélevé sur ton doigt, quelques points de suture, la broche…Tu n’avais pas mal ; tu avais faim!
Tu as englouti une compote, un yaourt et même une purée! On a un peu regardé la télé, on a déménagé la chambre car une autre famille allait arriver dans la nuit. Et puis tu t’es endormi, surement fatigué par cette longue journée, tout contre moi. La nuit a été prenable, bruyante et ponctuée de contrôles et de réveil. Nous avons fait la connaissance d’un petit bonhomme qui s’était cassé le bras avec lequel tu partageais la chambre ; j’ai rencontré des parents au café qui connaissaient bien l’hôpital pour y être régulièrement.
Dans la matinée, nous avons vu le chirurgien qui nous a donné ses directives, l’infirmière les ordonnances. Puis nous avons quitté ce lieu pour rentrer à la maison.
J’étais vraiment épuisée, mais si heureuse de rentrer chez nous, et d’y être à nouveau entourée par tous mes loulous!
Désolée pour cet article un peu long surement décousu. Il est écrit à chaud, mais avec des frissons car même une semaine aprés, j’ai du mal à en parler sans pleurer ou trembler. Je l’ai écrit pour mon petit bonhomme, pour lui dire son courage, son calme, sa sérénité malgré la situation. Cela m’a aussi fait beaucoup de bien.
Merci à vous tous pour vos messages. Ici sur le blog et les réseaux sociaux. Mais aussi dans la vie ; des appels d’oncles, de tantes, des messages de cousins, de la famille mais aussi d’amis plus ou moins proches, de collègues, de parents d’élèves, de voisins qui demandent des nouvelles. Cela fait chaud au coeur d’être ainsi entourés.
Merci à ces équipes d’aide soignantes, d’auxiliaires, d’infirmières, de médecins pour leur professionnalisme, leur écoute et tout le soin apporté à mon petit numéro!
Je terminerai ce (trop?) long billet en relativisant. J’ai rencontré des parents d’enfants aux pathologies lourdes, j’ai réalisé que numéro 4 n’a perdu « qu’un bout de doigt » et que normalement dans quelques temps ce ne sera plus qu’un vilain souvenir. Une pensée pour ces enfants, ces parents, pour qui l’hôpital est le quotidien. Entourez-les, soutenez-les…car il n’y a pas plus difficile que de voir son enfant souffrir. On se sent tellement impuissant.
Et puis bien sûr…faites attention aux portes!
Son aventure n’est pas terminée avec deux pansements à l’hôpital par semaine, puis l’enlèvement de la broche 21 jours après l’intervention. Il a deux doigt pris et il faut être très vigilant pour ne pas qu’il se cogne ou tombe. Il doit apprendre à faire beaucoup de choses avec une main ou de la main gauche. Il lui faudra certainement un an pour retrouver l’usage de son doigt, la sensibilité…
Il est toujours aussi cool, même s’il s’agace parfois ou s’énerve. Il n’a pas vraiment pardonné à son frère, ce qui n’est pas facile à gérer pour ce dernier.
Quant à moi, il me faudra encore du temps pour digérer cet événement , c’est sûr!
Merci d’avoir lue jusque là!!
Oh punaise je n’aurais jamais pensé que se coincé les doigts dans une porte coupé un doigt. Purée c’est un courageux ton fils. Ne pas sentir c’est dingue…
😨 l’hôpital … a oui dur dur de gérer ses émotions… que de souvenirs !
Gros bisous à vous 😉
Je pensais à un ongle arraché, mais c’est plus grave que ça
Il a été très courageux. Je lui souhaite une belle guerison.
Ah mon Dieu les portes cette hantise depuis que ma petite soeur y a laissé également un bout de doigt dans les mêmes circonstances. 33 ans plus tard je suis toujours traumatisée, hystérique. Je suis la folle qui va partout avec ses bloques-portes qui se mettent en haut de la porte et l’empêchent de se fermer.
Je compatis à ton traumatisme.
Je peux témoigner que ce petit bonhomme a été très courageux😘et sa maman pleine de sang froid
Impressionnant !!
Oui une épreuve pour tous et un petit homme courageux exemplaire avec un sourire toujours présent