Ce soir, je suis allongée. J’écoute la pluie, j’écoute vos souffles et le brouhaha lointain de la rue. La lumière orangée de la vieille lampe soixante donne à cette journée un petit aspect vieilli. Elles sont posées là sur la petite table et je les regarde, un peu émue. Je me sens un peu plus âgée aujourd’hui. Il pleut depuis des jours et cette petite paire posée là farfouille dans mes émotions. Tout est calme ce soir. Le ronron de la rue, de la pluie et des chats m’apaise. Sur la petite table au plateau de marbre sont posées tes chaussures. Ta première paire. Elles sont neuves et brillantes. La trace de tes pas ne les ont pas encore marquées. Je ne pensais pas, un jour, être émue par ces petits accessoires. Par la banalité du quotidien. Je me plait à les imaginer enfermées dans une petite boite. Déballées comme une relique lorsque tu auras mon âge. Elles seront le souvenir de tes premiers pas. C’est le début de ta vie debout que je contemple ce soir. Ta vie sera faite d’allées et venues. De chutes, de trébuchements qui coloreront cette petite paire. Ta vie sera aussi faite d’appuis qui… lire la suite →
Il y a quinze ans, lorsque ma mère m’a dit que j’allais être interne j’ai pleuré. J’avais seize ans. Ma mère était enceinte de sept mois. J’allais quitter la maison. l’inconnu se profilait. J’étais plutôt timide. Je ne connaissais rien à la vie. Louis Aragon. Mon lycée portait ce nom. À l’entrée de celui-ci était inscrit cette phrase Que serais-je sans toi que ce balbutiement. Cette phrase résonne encore dans ma tête. J’ai découvert Aragon autant que j’y ai découvert la vie J’allais apprendre à me détacher de mes parents. Apprendre à lier des liens, des vrais. Apprendre à vivre dans cette toute petite ville. J’y ai rencontré des êtres, tous plus intéressants les uns que les autres. J’ai partagé la chambre de plusieurs filles qui resteront bien dans ma mémoire. On a beaucoup ri. Vraiment beaucoup. Cet internat était un terrain de jeux. Rentrer à la maison le samedi midi et revenir le lundi matin. Les semaines défilaient et avaient leurs lots de joie et de chagrin. On a forgé nos personnalités là-bas, on a appris sur nous même. Nous étions libres. C’était un petit lycée Dans une petite ville. Il était le haut lieu de la liberté. Nous… lire la suite →
Je me souviens du jour où je t’ai acheté ce petit ensemble violet. Un violet lumineux. Une petite broderie ton sur ton bordant ton petit cou. Toi le petit brun tu étais magnifique dans ce violet moelleux. « C’est un violet de fille madame. » J’apprends donc que les couleurs sont sexuées. Je pensais naïvement que les couleurs étaient une affaire de goûts, de saisons,d’envies. Un violet de fille sur mon garçon donc. « Ça ne vous dérange pas? » Non. Mes fils portent des couleurs peu importe la catégorisation dans laquelle elles se trouvent. Mon petit brun est beau dans le violet. Il est confortablement installé dans sa gigoteuse aux motifs roses. Mon petit blond aime son foulard aux oiseaux. Et ça ne me dérange pas. Mon aîné réclame du parfum, des foulards et aime détailler les petits motifs de sa chemise. Ça ne me dérange pas non plus. Il se fiche de savoir si la couleur de son pull appartient bien au groupe garçon. Mes enfants portent donc des pois, des fleurs, des rayures, du violet, du doré et même du rose. Et ça ne me dérange toujours pas. « Maman avait envie d’avoir une petite fille! » Désolée de vous décevoir madame. Mais… lire la suite →
Il y a des bouffées de bonheur qui gonflent le cœur. Demain en sera une. Demain sera le jour de ta première rentrée. Celle que tu attends avec tant de hâte et de joie. Le jour où tu es né, l’école me paraissait si loin, presque intouchable. L’impression que tu resterais tout le temps ce petit nouveau-né. Et pourtant nous y sommes. Tu as grandi mon bonhomme, tu vis à cent à l’heure, tu questionnes, t’intéresse, tu es terriblement vivant. Je ne suis pas nostalgique des moments passés, au contraire, j’aime les avoir vécus et j’aime te voir grandir par dessus tout. La joie qui t’anime lorsque tu parles de l’école me comble. En cette veille de rentrée, pas de regrets ni d’appréhension mais au contraire le cœur gonflé de bonheur de te voir si grand. Ce soir nous ne préparerons pas ta tenue, nous ne cirerons pas tes chaussures, nous n’organiserons rien. Nous serons simplement ensemble avec les souvenirs de ce bel été, on se remémorera tes châteaux, l’eau salée et ton envie de courir partout. Cette pause estivale était douce, une bouffée d’air avant de reprendre notre petit rythme quotidien. Je vis cette première rentrée avec beaucoup d’impatience.… lire la suite →
Tu t’es fait attendre Tu as poussé mes limites au plus loin. J’ai appréhendé ta naissance, j’ai eu peur. Tu es né sereinement en balayant de tes petits yeux toute la douleur de ces neufs mois. Je me souviens de tes mains jointes. De l’hôpital calme, De la salle de naissance silencieuse. tu es arrivé simplement, avec douceur. il y a deux mois. Deux mois de vie dans mes bras. Une vie au rythme de ton souffle. Ton rythme qui s’est imposé à moi. Une mélodie silencieuse et régulière qui me berce. Je te garde dans mes bras. J’ai oublié les jours J’ai oublié les heures J’ai oublié le temps Je suis suspendue à ton souffle régulier. Tu aimes te lover Ta tête s’enfoui dans mes bras Tu cherches ta position et tu t’endors Tes membres lourds se détendent Je reste là parfois des heures à soutenir ton petit être Ton poids engourdissant mes membres Une douleur si douce. Des moments précieux avant cette rentrée qui va nous dévorer. Mon tout petit Les fenêtres sont ouvertes Je contemple la rue en te tenant dans mes bras. Août est là. Il fait chaud. Le bruit des terrasses inonde notre appartement et… lire la suite →
Un jour Il y eu le premier jour. Celui qui fait exploser nos émotions. L’euphorie et l’envie de crier au monde entier ta beauté. Toi, si petit encore, endolori par cette arrivée. Niché au creux de nous. Je t’ai contemplé des heures, analysant la finesse de ta petite personne. Comme si c’était la première fois. Tu ouvrais peu les yeux, tes gestes étaient lents et pourtant tout s’accélérait autour de nous. Une semaine Il y eu la première semaine celle qui me fit oublier la vie sans toi. Les gestes, les paroles, tout semblait être naturel. Nous commençons à avoir nos habitudes. Tes yeux s’ouvrent et le gris de ta pupille me gonfle le cœur. Nous étions quatre et cela paraissait évident. Tu grandis déjà, toi le petit glouton. La vie avec toi est douce. Deux semaines Il y eu la première quinzaine Celle oū l’on se dit que ça va très vite. Tu t’éveilles et tu nous suit du regard. Nous parlons de toi, parfois, en grammes et en centimètres. Mais cette vitesse nous donne à voir le plus joli des spectacles. Ton frère t’embrasse, te cajole. On devine le gris de tes yeux qui devient bleu. Çe gris… lire la suite →
Tu es venu au monde. Je trouve cette expression jolie “venir au monde”. Tu es venu à lui. Comme si lui t’attendais. Une personne de plus. Une personne qui compte. Je te souhaite d’arriver à rendre ce monde un peu moins bancal. Je te souhaite de faire compter ta voix, de défendre tes idées pour que le monde soit un peu plus ou un peu moins. C’est un peu utopiste, mais c’est réalisable. Je te souhaite d’aimer. Un homme ou une femme. Peu importe. On se sent vivre en aimant, on a la force d’affronter les pires choses à deux. De cet amour naîtra des projets, des envies, une voie. Tu te révéleras à toi même, tu te surprendras. Je te souhaite d’arriver à suivre tes combats, de les partager, d’en débattre avec ceux qui sont d’accord et ceux qui ne le sont pas. Sans violence, sans haine. Je te souhaite d’avoir des échanges ouverts et vrais. Je te souhaite d’avoir des enfants. Biologiques ou non. Et j’espère que cette expérience te chamboulera autant qu’elle l’a fait pour moi. Je te souhaite d’arriver à ne pas écouter les gens qui essaierons de te décourager, de t’abaisser. Ceux qui essaierons de… lire la suite →
La nuit est différente. Ta naissance l’a chamboulée. On ne dort plus, plus de la même façon. On est attentifs au silence. On l’écoute. On épie ton souffle, tes gestes, on est inquiets. Deux ans de sommeil près de toi. Et pourtant. J’écoute toujours, je retiens mon souffle, j’éponge ton front fiévreux. J’aime la nuit. J’aimerais pouvoir la vivre éveillée. J’aimerais tout noter pour ne rien oublier. Je me souviens des nuits lovée dans le canapé. Je me souviens de ton berceau. De ton lâcher prise. Des cent pas sur le parquet bruyant. Des nuits sans bruits à penser au futur, à toi, à notre vie à trois. La nuit n’est plus la même depuis toi. J’espère que tu aimeras la nuit. Voir les villes la nuit. Écouter son silence. Ou au contraire la rendre bruyante et vivante. J’espère que tu aimeras regarder tes enfants dormir. J’espère que la nuit t’apaisera. Elle cerne mes yeux mais est riche de ta présence. Je crois qu’elle ne sera plus jamais pareille. Même quand tu auras 10, 20 ou 30 ans. La pénombre me fera toujours penser à toi. Elle m’inquiétera toujours un peu aussi, si peu. À l’heure où tu vas commencer… lire la suite →