Six ans. Six ans de toi. Six ans de découvertes, d’étonnement et d’apprentissage. Il y a six ans je ne me croyais pas capable de mettre un enfant au monde. Je ne me croyais pas assez forte, je pensais que la douleur aurait le dessus. J’avais peur de ne pas te rencontrer, peur d’échouer. Et puis j’ai réussi. Nous avons réussi. C’était long et difficile de te mettre au monde. Physiquement, psychologiquement. J’ai longtemps cru que je n’arriverais pas à être mère. Et puis, finalement, ça tangue un peu mais ça tient. Tu as cette curiosité que parfois j’ai l’impression d’avoir perdu. Tout t’intéresse, tu aimes apprendre et tu es toujours partant pour tout. Tu es tout ce que j’aime. Tu es mon premier enfant, tu es la découverte. Je pensais ne jamais vouloir plusieurs enfants et puis je vous ai tout les trois. C’est un peu fou. Je suis heureuse de vous savoir liés et ensemble pour avancer dans vos vies. Six ans. Tes boucles blondes s’en vont petit à petit et tes cheveux tombent sur tes yeux. Tu aimes te parfumer. Tu aimes comparer ta taille de mois en mois le long du mur. Nous avons fait de… lire la suite →
Ce mercredi, avec les trois enfants, je suis allée au square. J’ai été surprise de voir à quel point les enfants sont contraints de ne pas faire ce qu’ils veulent. J’ ai entendu les adultes dire des « fais attention », « ne monte pas ici, tu vas te faire mal », « le toboggan ne se prend pas dans ce sens », « tu es trop petit, tu vas tomber ». J’ai observé les enfants et les adultes et je nous ai trouvé tristes. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai dis ces mots, où j’ai empêché les enfants de faire des escalades sous prétexte que c’était dangereux. Alors, ce mercredi je me suis installée différemment. Je les ai laissé faire et j’ai vu deux enfants heureux de grimper et de passer d’un jeu à l’autre. Et puis, une mère est venue à moi me faisant remarquer que mon deux ans refusait de jouer et de prêter son ballon à son fils et qu’il l’avait empêché de passer dans le tuyau. « Vous n’intervenez pas? » Non je n’interviens pas. Je préfère les laisser faire. Il refuse de jouer à ce moment précis avec cet enfant, que puis-je faire, le forcer? J’ai vraiment été peinée de nos… lire la suite →
Comme tant de soirs. Pleine de fatigue, la tête douloureuse, je suis allée jeter un œil dans ta chambre. Ton chevet était allumé. Tu étais calme et tu lisais un livre. Je me suis approchée et j’ai remarqué que ta lecture était particulière. Tu analysais, disséquais presque, des pages fines aux tout petits mots. Tu avais demandé un livre de la grande bibliothèque. « Un livre d’adulte » comme tu as dit. Un livre sans images, avec uniquement des mots. Tu tentais d’en déchiffrer quelque uns et cela m’a touchée en plein coeur. Tu as reconnu des prénoms, des pronoms et des petits mots. Tu t’es intéressé aux quelques phrases que j’ai lues, et tu t’es amusé de voir que l’un des personnages portait le nom de ton amie. Je t’ai demandé pourquoi tu avais voulu lire ce livre sans image. « Parce que je voulais savoir comment c’était fait » Un poids lourd s’est abattu sous mes épaules. Je me suis sentie bête. Incroyablement bête. Ma fatigue, mon mal de crâne, ma mauvaise humeur et mes cris se sont retrouvés face à toi, petit cinq ans, vif et tellement curieux. Ton intelligence m’a ravivée. J’ai tant de mal à trouver les mots justes… lire la suite →
Ce soir, je suis allongée. J’écoute la pluie, j’écoute vos souffles et le brouhaha lointain de la rue. La lumière orangée de la vieille lampe soixante donne à cette journée un petit aspect vieilli. Elles sont posées là sur la petite table et je les regarde, un peu émue. Je me sens un peu plus âgée aujourd’hui. Il pleut depuis des jours et cette petite paire posée là farfouille dans mes émotions. Tout est calme ce soir. Le ronron de la rue, de la pluie et des chats m’apaise. Sur la petite table au plateau de marbre sont posées tes chaussures. Ta première paire. Elles sont neuves et brillantes. La trace de tes pas ne les ont pas encore marquées. Je ne pensais pas, un jour, être émue par ces petits accessoires. Par la banalité du quotidien. Je me plait à les imaginer enfermées dans une petite boite. Déballées comme une relique lorsque tu auras mon âge. Elles seront le souvenir de tes premiers pas. C’est le début de ta vie debout que je contemple ce soir. Ta vie sera faite d’allées et venues. De chutes, de trébuchements qui coloreront cette petite paire. Ta vie sera aussi faite d’appuis qui… lire la suite →
Je me souviens des graviers gris et du bruit des pas lorsqu’elle allait y étendre son linge. Le jardin, tout petit, et du cerisier japonais. Je me souviens de la douceur des déjeuners sur la terrasse et des soufflés au fromage. Je me souviens de cette petite maison mitoyenne au creux de la ville. Je me souviens des escaliers qui grincent. Je me souviens du goût de la sauce tomate et de cette odeur d’ail mijoté qui baignait cette maison. Je me souviens y être allée tellement souvent, le mercredi. Elle était banale et petite mais c’était le lieu de mon enfance. Je me souviens de cette place. Une grande place centrale entourée de quelques petites maisons qui semblaient être posées là, spectatrices de nos vies. Il y avait des bancs, des arbres et de la place pour nos rêves. C’était, pour moi, le plus bel endroit. Je me souviens y avoir fait du vélo, de la trottinette mais surtout avoir sauté à l’élastique entre ces deux arbres. Je me souviens avoir eu des points de côté tant j’avais couru et ri. Je me souviens de l’impatience d’y retrouver mon cousin et ma cousine le mardi soir. Dans un lit… lire la suite →
Samedi quatorze novembre au matin je suis descendue dans la rue. Comme tous les jours je suis partie travailler. J’ai mes habitudes, je passe devant plusieurs bars et j’aime regarder les terrasses et écouter les différentes langues, j’imagine d’où viennent les touristes. Ce matin là, j’ai embrassé mes enfants en leur souhaitant une bonne journée avec cette angoisse irréelle que je ne reviendrais peut-être jamais. J’ai mis le nez dehors. Le vent, la lumière et le silence m’ont glacée. Il n’y avait aucune conversation a écouter. Je suis passée devant les terrasses qui étaient vides, les magasins avaient baissés leurs stores et je me suis demandé comment faire pour ne pas avoir peur. J’ai sacrément la trouille oui. À ceux qui me disent qu’il ne faut pas avoir peur je vous défie de ne rien ressentir un lendemain d’attentat dans le métro. Ce métro était désert et silencieux, cette sensation est indescriptible. J’étais seule sur le quai ce samedi matin à onze heures. J’ai pris le métro, j’ai travaillé à la boutique. En apnée. J’ai l’impression d’avoir retenu mon souffle jusqu’à quatorze heures. Heure où un arrêté préfectoral a demandé la fermeture Des magasins Parisiens. Rentrer vite. Je me suis… lire la suite →
Mon deuxième garçon est né. Il y a deux petites semaines. J’ai enfin dit au revoir à cette grossesse que je n’aimais pas. Sans regrets. Je n’aurais jamais cru dire ça un jour mais nous avons eu droit à un bel accouchement dans le calme. C’était un très beau moment et je m’étonne encore d’avoir pu l’apprécier tant l’ancrage du premier accouchement douloureux était présent. Et pourtant. Pas d’angoisses, peu de douleurs, pas de questions. Nous avons juste vécu le moment présent avec sérénité. Le premier soir où les deux garçons se sont endormis dans la même chambre je les ai regardés. L’appartement était calme. Mon regard passant de l’un à l’autre. Je me suis sentie apaisée. Avoir un deuxième enfant m’a fait me sentir mère. Ou plutôt je me suis sentie apaisée. Comme si tout était à sa place. Cette arrivée m’a comblée. Je suis rassurée qu’ils ne soient pas seuls, ils sont frères et grandiront côte à côte. Ils sont différents, cela se voit déjà. Petit blond et petit brun. Mes garçons. Ils se détesteront peut-être, n’auront peut-être aucun atomes crochus. Mais ce n’est pas grave. Ils seront toujours deux. Je pense que cela sera une force. Cette… lire la suite →
Elle a aimé sans failles. Elle a suivi un chemin. Elle a rencontré des gens. Elle a rencontré mon père. Elle s’est mariée. Elle avait les cheveux courts. Elle a eu un enfant. Elle m’a protégée. Elle a ri, vécu, dansé et choyé. Elle m’a soutenue. Elle s’est ennuyée. Elle a aidé. Elle a divorcé. Elle a eu les cheveux longs. Elle a eu les cheveux noir corbeau. Elle m’a écouté. Elle ne s’est jamais plaint. Jamais. Elle s’est remariée. Elle a toujours eu une frange. Elle m’a fait partager ses goûts. Elle a joué. Elle a eu un deuxième enfant. Elle a perdu cet enfant. Elle s’est relevée. Je ne sais comment elle a trouvé la force. Elle a déménagé. Elle a travaillé. Elle a eu un troisième enfant. Elle l’a aimé plus que tout. Elle a eu peur. Elle nous a enlacés. Elle a eu un quatrième enfant. Elle a été malade. Une fois. Puis une seconde fois. Elle a perdu ses cheveux. Elle a vaincu. Elle n’a jamais baissé les bras. Elle est allée a des concerts. Elle a vu Iggy Pop. Elle nous a étonnés. Elle a défendu des causes. Elle m’a expliqué la tolérance. Elle… lire la suite →
Je me souviens de la chaleur de Paris, du bruit de la rue et de mon cœur battant bien trop fort. Je me souviens de ce mois de juillet. Je me souviens avoir eu peur. Je me souviens de mes pas légers sur le bitume gris du neuvième arrondissement. Je me souviens de cette place qui me donnait le tournis. Je me souviens qu’une seule question tournait dans ma tête. « Comment un être si petit pouvait tant occuper mon esprit » Je me souviens de ce médecin, un peu vieux, un peu gauche, à l’opposé de ce que j’avais imaginé. Je me souviens de cette petite salle. Je me souviens de ma toute première échographie. Je me souviens de tout. Du bruit du ventilateur, du bruit des patients dans la salle d’attente, des Klaxons des voitures, des froissements de la blouse du médecin, de son silence. Je me souviens de cette image, presque lunaire, d’un tout petit être. Je me souviens du son. Ce son régulier et rapide, cette musique apaisante que j’aurais pu écouter des heures. « Vous entendez? C’est son cœur. » Je me souviens de ton cœur. Je me souviens des angoisses qui ont surgit à cet instant. Nous étions… lire la suite →