Six ans. Six ans de toi. Six ans de découvertes, d’étonnement et d’apprentissage. Il y a six ans je ne me croyais pas capable de mettre un enfant au monde. Je ne me croyais pas assez forte, je pensais que la douleur aurait le dessus. J’avais peur de ne pas te rencontrer, peur d’échouer. Et puis j’ai réussi. Nous avons réussi. C’était long et difficile de te mettre au monde. Physiquement, psychologiquement. J’ai longtemps cru que je n’arriverais pas à être mère. Et puis, finalement, ça tangue un peu mais ça tient. Tu as cette curiosité que parfois j’ai l’impression d’avoir perdu. Tout t’intéresse, tu aimes apprendre et tu es toujours partant pour tout. Tu es tout ce que j’aime. Tu es mon premier enfant, tu es la découverte. Je pensais ne jamais vouloir plusieurs enfants et puis je vous ai tout les trois. C’est un peu fou. Je suis heureuse de vous savoir liés et ensemble pour avancer dans vos vies. Six ans. Tes boucles blondes s’en vont petit à petit et tes cheveux tombent sur tes yeux. Tu aimes te parfumer. Tu aimes comparer ta taille de mois en mois le long du mur. Nous avons fait de… lire la suite →
Comme tant de soirs. Pleine de fatigue, la tête douloureuse, je suis allée jeter un œil dans ta chambre. Ton chevet était allumé. Tu étais calme et tu lisais un livre. Je me suis approchée et j’ai remarqué que ta lecture était particulière. Tu analysais, disséquais presque, des pages fines aux tout petits mots. Tu avais demandé un livre de la grande bibliothèque. « Un livre d’adulte » comme tu as dit. Un livre sans images, avec uniquement des mots. Tu tentais d’en déchiffrer quelque uns et cela m’a touchée en plein coeur. Tu as reconnu des prénoms, des pronoms et des petits mots. Tu t’es intéressé aux quelques phrases que j’ai lues, et tu t’es amusé de voir que l’un des personnages portait le nom de ton amie. Je t’ai demandé pourquoi tu avais voulu lire ce livre sans image. « Parce que je voulais savoir comment c’était fait » Un poids lourd s’est abattu sous mes épaules. Je me suis sentie bête. Incroyablement bête. Ma fatigue, mon mal de crâne, ma mauvaise humeur et mes cris se sont retrouvés face à toi, petit cinq ans, vif et tellement curieux. Ton intelligence m’a ravivée. J’ai tant de mal à trouver les mots justes… lire la suite →
Ce soir, je suis allongée. J’écoute la pluie, j’écoute vos souffles et le brouhaha lointain de la rue. La lumière orangée de la vieille lampe soixante donne à cette journée un petit aspect vieilli. Elles sont posées là sur la petite table et je les regarde, un peu émue. Je me sens un peu plus âgée aujourd’hui. Il pleut depuis des jours et cette petite paire posée là farfouille dans mes émotions. Tout est calme ce soir. Le ronron de la rue, de la pluie et des chats m’apaise. Sur la petite table au plateau de marbre sont posées tes chaussures. Ta première paire. Elles sont neuves et brillantes. La trace de tes pas ne les ont pas encore marquées. Je ne pensais pas, un jour, être émue par ces petits accessoires. Par la banalité du quotidien. Je me plait à les imaginer enfermées dans une petite boite. Déballées comme une relique lorsque tu auras mon âge. Elles seront le souvenir de tes premiers pas. C’est le début de ta vie debout que je contemple ce soir. Ta vie sera faite d’allées et venues. De chutes, de trébuchements qui coloreront cette petite paire. Ta vie sera aussi faite d’appuis qui… lire la suite →
Il y eut ce matin. Ce samedi ponctué de gestes rapides avant de commencer une journée de travail. Se dépêcher. Regarder l’heure. Penser à tout. À rien. Échanger quelques baisers. La course frénétique du quotidien. Rythmée au son des aiguilles et des flonflons des fêtes de fin d’années. Nous avons les traits tirés. Et puis soudain tu arrêtes le temps. Toi le petit homme de presque un mètre. Tu crées le lien. Tu stoppes l’horloge un instant Tu m’embrasses avant que je m’engouffre dans cette folle journée. Mais tu n’embrasses pas que moi. Tu embrasses mon ventre pour dire au revoir au bébé. Un geste simple. Un geste qui a figé le temps pour lui redonner toute sa valeur. Un geste d’une force incroyable qui m’émeut. Toi le petit homme de moins d’un mètre tu m’as fait frissonner. Nous accueillerons bientôt un bébé et ta tendresse me comble encore un peu plus de bonheur. Merci petit homme.
Au square il y a du sable, des bancs, des jeux, des enfants, des parents et une bonne dose d’énergie. Ça semble être un lieu d’échanges et de partage où petits et grands se côtoient. Ça semble être le lieu où il faut être quand tu deviens parent. Mais les premiers échanges donnent le ton. “Il a quel âge?” Ça a commencé comme ça. C’est presque passé inaperçu mais la compétition commençait. Lorsque les autres parents semblent s’intéresser à ton petit c’est en fait pour comparer. Les dés étaient lancés. Je me doutais un peu en devenant mère qu’une compétition allait débuter. À mon plus grand regret. “14 mois? Et il ne marche pas? Ma fille marche depuis ses 10 mois.” La comparaison. Le fondement de la constitution du square. On regarde. On interroge. On envoie les comparaisons. C’est humain, c’est vrai. Mais ça reste dérangeant. “Et il fait ses nuits?” “Pas vraiment.” “A 14 mois? Ma fille fait ses nuits depuis la maternité” Certes, en devenant mère j’ai comparé moi aussi. J’ai feuilleté les carnets de santé familiaux, j’ai comparé les tailles, les poids. Je me suis inquiétée quand il y avait des différences. Je suis assez inquiète de… lire la suite →
Je me souviens du jour où tu as voulu mettre un foulard. Du jour où tu as voulu faire comme moi. Je t’ai donné un foulard fleuri que tu as adoré porter. Tu marchais fièrement dans la rue en disant « regarde maman » et en faisant voler ce tissu trop grand pour toi. Une réflexion est venue ternir ta joie. « Maman t’a déguisé aujourd’hui, tu n’es pas une petite fille! » Comme si, le fait d’être un garçon t’empêchait de fleurir tes tenues. Mes coups de cœurs pour tes vêtements, ne s’arrêtent pas au simple fait que ce soit pour les filles ou les garçons. Je me fiche du rayon. Je pioche chez les filles quand je vois de jolies choses et inversement. Je me fiche de la catégorisation. J’aime t’entendre dire que c’est joli quand tu mets ton petit foulard rouge avec les oiseaux. J’aime te voir rire quand tu t’admires en tendant le cou devant le miroir de la boutique du coin de la rue. « Regarde les oiseaux maman! » Et tu pointes du doigt les dizaines de petits oiseaux qui ornent le tissu. Ne les écoute pas. Savais-tu qu’à l’époque de Louis XIV, les garçons portaient des pantalons de satin… lire la suite →
Elle a aimé sans failles. Elle a suivi un chemin. Elle a rencontré des gens. Elle a rencontré mon père. Elle s’est mariée. Elle avait les cheveux courts. Elle a eu un enfant. Elle m’a protégée. Elle a ri, vécu, dansé et choyé. Elle m’a soutenue. Elle s’est ennuyée. Elle a aidé. Elle a divorcé. Elle a eu les cheveux longs. Elle a eu les cheveux noir corbeau. Elle m’a écouté. Elle ne s’est jamais plaint. Jamais. Elle s’est remariée. Elle a toujours eu une frange. Elle m’a fait partager ses goûts. Elle a joué. Elle a eu un deuxième enfant. Elle a perdu cet enfant. Elle s’est relevée. Je ne sais comment elle a trouvé la force. Elle a déménagé. Elle a travaillé. Elle a eu un troisième enfant. Elle l’a aimé plus que tout. Elle a eu peur. Elle nous a enlacés. Elle a eu un quatrième enfant. Elle a été malade. Une fois. Puis une seconde fois. Elle a perdu ses cheveux. Elle a vaincu. Elle n’a jamais baissé les bras. Elle est allée a des concerts. Elle a vu Iggy Pop. Elle nous a étonnés. Elle a défendu des causes. Elle m’a expliqué la tolérance. Elle… lire la suite →
Tu es venu au monde. Je trouve cette expression jolie “venir au monde”. Tu es venu à lui. Comme si lui t’attendais. Une personne de plus. Une personne qui compte. Je te souhaite d’arriver à rendre ce monde un peu moins bancal. Je te souhaite de faire compter ta voix, de défendre tes idées pour que le monde soit un peu plus ou un peu moins. C’est un peu utopiste, mais c’est réalisable. Je te souhaite d’aimer. Un homme ou une femme. Peu importe. On se sent vivre en aimant, on a la force d’affronter les pires choses à deux. De cet amour naîtra des projets, des envies, une voie. Tu te révéleras à toi même, tu te surprendras. Je te souhaite d’arriver à suivre tes combats, de les partager, d’en débattre avec ceux qui sont d’accord et ceux qui ne le sont pas. Sans violence, sans haine. Je te souhaite d’avoir des échanges ouverts et vrais. Je te souhaite d’avoir des enfants. Biologiques ou non. Et j’espère que cette expérience te chamboulera autant qu’elle l’a fait pour moi. Je te souhaite d’arriver à ne pas écouter les gens qui essaierons de te décourager, de t’abaisser. Ceux qui essaierons de… lire la suite →
Le temps s’invite dans mes cheveux. Des cheveux blancs aiment me rappeler que le temps ne m’attend pas, qu’il suit son chemin. Je les ai comptés, arrachés, cachés, j’ai réfléchis à les teindre. Puis j’ai arrêté de vouloir dompter le temps. Et j’ai fini par les aimer. “Tu as des cheveux blancs, tu vas les teindre?” Non. J’aime l’idée que le temps se rende visible, il me rappelle que l’heure tourne, que les mois changent et que les années s’enchaînent. Ça me rappelle que mon oisillon grandit et qu’il découvre de plus en plus de choses. Il est ce que le temps m’a apporté de plus précieux. Les marques sont là pour nous rappeler que nous sommes vivants. Cette vie me comble au delà du fait d’être un peu moins brune chaque jour. Je suis consciente que mes paroles changeront sûrement lorsque j’aurais 40, 50 puis 60 ans. Je suis consciente aussi que ma condition de vie privilégiée me permette d’avoir de tels propos. Ressentir les marques du temps dans la solitude, dans la rue ou dans la maladie est un tout autre aspect. Je comprends aussi qu’on puisse avoir l’envie de figer le temps, de le stopper, de vouloir… lire la suite →
Un petit corps chaud posé contre moi. C’est le début de la nuit et tu pousses ton premier cri. Ce cri salvateur qui m’a tant fait pleuré. J’avais tant imaginé ce moment, de tant de façons différentes. Je ne l’avais pas imaginé si étrange, si bouleversant. Je ne me suis pas sentie mère, pas tout de suite. J’ai été perdue. Je me suis sentie liée à toi, pour toujours. J’ai été effrayée. Tes yeux grands ouverts plongés dans les miens. Tes gestes incontrôlés, ta bouche plissée. Je ne pouvais détourner mon regard du tien. À 22h54 j’ai arrêté de pleurer, de parler, j’ai arrêté d’avoir peur, je t’ai simplement regardé. J’ai pensé à ton père, à notre amour multiplié par ce moment présent, à tout ce que tu allais offrir à nos vies. Notre vie bouleversée par la tienne. Je t’ai contemplé des heures, des nuits, des jours, n’osant te manipuler de peur de te réveiller. Si petit. Ton odeur et tes gestes lents. Ton souffle chaud. Le temps s’est stoppé pour nous laisser admirer le petit être que tu es. Notre bouleversement. Le plus beau qui soit.